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Focus

Patrick Canigher, photographe souvenirs de shootings (de Snoop, mais pas que)

Moïse the Dude, le 26 septembre

Lors d’un échange (à retrouver ici) avec Monsieur Saï autour de l’album “No Limit Top Dogg” de Snoop, j’évoquais un shooting photo réalisé pour la couverture et l’interview du numéro de Juillet/Août 1999 du magazine RER, pour la promotion dudit album. Amoureux depuis toujours de ces quelques clichés, j’ai voulu rencontrer leur auteur, Patrick Canigher.

C’est un après-midi de décembre 2024, à République, que je retrouve celui qui a shooté de nombreux portraits de musiciens (Marilyn Manson, Sting, Nas, Pink, James Blunt, etc...) pour la presse, pour des affiches de concerts ou encore des pochettes de disques, et qui a fait également de la photo publicitaire pour de grandes marques ainsi que des clips et des courts métrages. Nous n’aurons pas le temps d’évoquer son parcours en détail mais il a volontiers ouvert la boîte à souvenirs, concernant entre autres deux séances avec Snoop, livrant ses secrets de fabrication et racontant en creux une époque où l’industrie musicale et son écosystème étaient bien différents.


Mo The Dude : Patrick, j’ai voulu vous rencontrer pour évoquer des clichés de Snoop Dogg, dont vous êtes l’auteur, réalisés lors d’un shooting à Los Angeles, pour RER magazine, à l’occasion de la sortie de son album “Top Dogg”. Quels souvenirs avez-vous de ce shooting ?

Patrick Canigher : Déjà pour remettre les choses dans leur contexte, à l’époque, nous, avant RER - qui veut dire rap et ragga, même si on n’a pas fait beaucoup de reggae mais on voulait donner une consonance urbaine au magazine, et ça faisait RER, comme le RER... - Avant ça, on avait créé un magazine de rock qui s’appelait RAGE, on parlait de Marilyn Manson, on parlait de branding, de tatouage et de cultures urbaines etc. On était trois potes, on a monté un petit groupe de presse. Évidemment, on voulait que ça marche et RAGE marchait super bien parce que c’était tout neuf dans le milieu de la presse musicale à l’époque. Les annonceurs captifs, donc les maisons de disques, nous suivaient à 100% et les annonceurs hors captif, nous achetaient des pages de temps en temps donc c’est un mag qui fonctionnait bien. Dans la foulée, on s’est dit que le rap c’est quelque chose qui commençait à arriver en France et on s’est dit pourquoi pas faire un mag sur le rap, avec bien-sûr une logique économique car même s’il y a le plaisir, il y a aussi l’économie. A l’époque, en presse musicale, souvent les photos c’était des photos d’agences. Nous ce qu’on a mis en place - c’était audacieux parce qu’on n’était rien, en face y avait Capitol, Universal Music, Warner, etc - mais on disait, nous on va faire une interview, par exemple de Snoop, à une condition : vous nous achetez le billet aller/retour à L.A., et on part à deux. Photos et interview en direct. On a fait ça pour RAGE et on l’a appliqué à RER. A part pour des news ou des live pour lesquels on prenait des photos d’agences, mais sinon toutes les interviews quasiment, c’était du direct live. Soit les mecs étaient en France, soit on allait sur place.
Donc pour Snoop c’est ce qui s’est passé. Ce n’est pas moi qui organisais les voyages et les interviews, mais je savais qui le faisait, et on y allait au culot, on partait. Et quand on allait là-bas on mettait à profit notre séjour car on restait au moins deux jours sur place, mais un shooting comme ça c’est un quart d’heure, l’interview c’est une demie-heure, donc le reste du temps on en profitait, parfois via l’artiste, pour rencontrer d’autres gens et on ramenait des papiers qui n’étaient pas prévus par la maison de disque, c’était l’avantage.

Snoop je l’ai fait deux fois à L.A.
Les artistes américains n’avaient pas l’habitude que les mecs d’Europe viennent les interviewer. D’habitude c’était par téléphone. Mais là on venait avec séance photo obligatoire. S’il n’y avait pas de séance photo, il n’y aurait pas d’interview. C’était audacieux, mais à l’époque ça marchait bien, les maisons de disques avaient de l’argent, elles voulaient être novatrices dans leur façon de communiquer donc elles disaient oui quasiment tout le temps. A cette époque là, j’étais plus souvent aux USA qu’en France. Ça a duré entre six et sept ans. Et L.A., par exemple, c’est une grande ville sans transports en commun. On louait une voiture, on partait de l’hôtel, on avait une adresse, on tournait dans le quartier, pour repérer des extérieurs pour shooter l’artiste, s’il le veut bien.
Sur la séance avec Snoop là, je me souviens très bien, il nous a accueilli avec un blunt, affalé sur un canapé.
“Vous êtes sûrs là... une séance photo maintenant...” (il mime le rappeur fumant son blunt avec un air blasé).
Il a fait son petit cinéma pendant 10 minutes et puis après, super pro. Il s’est plié à tout ce qu’on lui a demandé. Il a fait son truc, il n’y avait pas de direction d’acteur, il était Snoop. Donc on shoote près du billard, après dans un coin de rue, après près du panier de basket etc. J’ai trouvé un mec qui malgré son image de gangsta rappeur... DJ Muggs par exemple de Cypress, on a toujours l’impression qu’il va nous arracher la tête si on lui demande de lever un bras. Mais là j’ai découvert un mec super gentil. Avec le respect du travail des autres, qui prend le temps pour les photos, même si ça prenait plus de 10 minutes. Parce qu’aux maisons de disques on leur disait pas plus de 10 minutes pour ne pas qu’ils pensent qu’on va leur prendre une demie journée. Mais parfois ça dépassait, parce que parfois c’est l’artiste qui décide. Donc là il s’est prêté au jeu, il s’est déplacé, il a fait son petit show, c’était super plaisant. Un mec vraiment super gentil, ouvert aux choses, aux gens. L’interview par contre, je n’ai pas souvenir d’y avoir assisté, faudrait voir avec Jean-Eric Perrin, s’il a des souvenirs.

Par contre, la seconde séance photo que j’ai faite de Snoop était plus formelle, car il y avait une équipe d’attachés de presse, c’était plus cadré. Je suis arrivé en premier, on avait installé le matériel de prise de vue. Snoop est venu, il a vu qu’il y avait du bleu (une piscine, ndlr), il est parti se changer, mettre un jersey bleu pour aller avec le décor. Faut savoir qu’à l’époque on shoote sur argentique, pas en numérique. J’ai shooté avec du moyen format. Il y a 10 vues par film. Après faut changer le film donc ça casse un peu le rythme, donc il fallait faire des choses intéressantes sur les 10 premiers déclenchements. C’est pas je déclenche et après je regarde ce que j’ai fait. Quand je déclenche, il faut qu’il y ait quelque chose.

Mo The Dude : Faut être bon tout de suite.

Patrick Canigher : Exactement. Et j’avais - j’ai toujours, je pense - ce “talent”, pour emmener les gens dans une espèce de bulle comme ça, même si ça dure 30 sec, et j’arrive à les amener dans quelque chose qui peut-être intéressant, par rapport à ce qu’on me demande de faire, pour un magazine, de la pub, etc. Et quand les gens sont demandeurs ou “obéissants”, comme l’était Snoop, et bien ça donne ce résultat là. Cette photo, avec les mains, les bagues, le regard entre les doigts, c’est pas un truc que je lui ai demandé. Moi je jouais sur la perspective avec la piscine et lui avec la focale. Je lui ai expliqué que la focale était courte, que quand on faisait ça, ça fait une grosse tête et quand on faisait ça, une petite tête, donc sachant ça il a joué avec les mains, les bagues etc.
Mais pour revenir à la photo, en argentique, moyen format, 10 vues sur un rouleau. Pas trop le temps de mettre un deuxième rouleau, c’est-à-dire qu’avant, je faisais un polaroïd. On développait le polaroïd. Pendant que ça développe, j’installais le reste du matériel et une fois que le pola était développé, je leur montrais. Donc Snoop, il a vu ce que ça allait donner, il a vu l’ambiance, il a vu le cadrage donc ça l’aidait aussi, il voyait la perspective avec la piscine etc. Donc les mecs étaient super contents de voir ce que ça donnerait à l’avance. Derrière ils étaient en confiance.

Mo The Dude : C’est astucieux cette histoire de pola.

Patrick Canigher : Ouais, mais, comme je le disais au début, le principe c’est qu’il y ait un échange. Si le mec en face ne veut rien faire, après mes photos sont pourries. Pareil, dans le rock, avec Lou Reed par exemple, une séance très courte, mais le fait de faire tout ça, il était en confiance. Même si je n’ai pu déclencher que trois fois parce qu’après il était saoulé mais au moins, il savait plus ou moins ce que ça allait donner. C’était un super avantage parce que le mec se laissait aller.
Concernant la séance de Snoop pour RER, je lui avais expliqué ce que je faisais comme cadrage, la lumière qu’il y aurait, les traitements. Parce que la deuxième séance (celle de la piscine ndlr), c’était un traitement normal, en termes de chimie, de développement d’image. Mais la première, à l’époque c’était un peu à la mode de faire ce qu’on appelle du “cross process”, c’est à dire de shooter sur du format diapos, donc transparent, mais de développer en négatif. Ce qui donnait des choses incertaines. On savait que ça allait donner un contraste un peu plus fort, mais en termes de couleurs on ne savait pas trop, si ce n’est que les couleurs allaient être saturées, ça on le savait.

Mo The Dude : On le voit un peu sur les photos.

Patrick Canigher : Ouais, les photos n’ont pas été bricolées derrière. A la maquette, le mec scannait, maquettait, imprimait comme ça. Là aussi c’est hasardeux. L’argentique c’est hasardeux.
Donc tout ça en fait c’était un processus de travail à deux (avec l’artiste, ndlr), sur 10 minutes. Moi je faisais attention à ce qu’il voulait faire, comment il voulait faire, la contre plongée, attention, pareil, petite tête, grosses jambes etc. Je lui expliquais, lui pareil il disait, oui, non, ça pas trop etc. Bon, je ne me souviens pas de tout car ça remonte un peu et je pensais pas qu’un jour ça ferait l’objet d’interview, donc je n’ai rien noté (rires). Evidemment, c’est un travail d’équipe. Le but c’est que lui soit mis en valeur, que les gens soient contents de mes images, que je rebosse derrière, tout ça c’est aussi mercantile. Il faut que je gagne ma vie avec mes images et lui avec sa musique et la promo qui est faite autour de son personnage. Donc il jouait avec cette espèce de nonchalance, un peu moins maintenant, mais à l’époque c’était “ouais... (il mime encore Snoop entrain de fumer)... ouais, je m’en fous un peu...” alors qu’en fait, dès qu’il fallait y aller, il y allait. J’ai des bons souvenirs franchement, pas qu’avec lui. Marilyn Manson par exemple, un mec super gentil. Il arrive, il est comme vous. Il a 20 min de transformation, les yeux, les lentilles et tout. Il arrive, il fait tout tout seul, ou presque. Il gère la mise en scène, les pauses etc, il n’y a plus qu’à shooter. Un mec super gentil. J’ai découvert plein de gens adorables, vraiment.
Mais même Cypress, même DJ Muggs, qui faisait un peu le gangster comme ça mais quand fallait y aller, il y allait. Il la joue un peu “tu vas pas nous faire chier avec tes photos de merde, j’ai autre chose à foutre que tes conneries”, mais en même temps quand j’enlevais le capuchon de l’objectif, là c’était plus pareil. Le mec faisait vraiment les choses. Parce qu’il savait que derrière c’était regardé. Et puis fallait faire gaffe un peu à l’attitude qu’ils avaient, par rapport à leur promo, par rapport à leur crédibilité, à leurs maisons de disques aussi. Parce que les mecs qui sont signés... ils sont pas signés parce qu’ils s’appellent Snoop. Il est signé parce qu’il faut vendre derrière. C’est pas juste “ah ouais tu fais trois notes, génial”, non, faut vendre. C’est très anglo-saxon, les mecs sont très pros, ils savent que c’est important.
Quitte à me répéter, les autres magazines après, l’Affiche, Radikal etc, ils ont fait la même chose que nous. Ils se sont dit, ok on va envoyer nous aussi, des journalistes, photographes etc. Donc la deuxième séance avec Snoop (séance de la “piscine”, ndlr), ce n’était plus juste nous en fait. Il y avait d’autres magazines qui attendaient derrière. Alors que la séance avec le billard (celle pour RER), c’était juste Snoop, Perrin et moi. Personne d’autre. Donc il y avait un peu moins de limite de temps. Parce qu’il n’y avait pas tout le process de la maison de disques avec les attachés de presse qui disaient “attention...”
J’ai eu une séance une fois, c’était avec Van Halen, dans son studio à L.A., le 51/50. Et d’un seul coup j’entends derrière moi l’attaché de presse qui dit “one minute left” et après j’entends “ten, nine...” et après “two, one... put the camera down, finished, finished”.

Mo The Dude : Ouais, ça ne plaisante pas du tout.

Patrick Canigher : Donc quand vous entendez le mec derrière comme ça, on se dit, attend, est-ce que j’ai ce qu’il faut pour les 4 pages d’article et la couv ? Après, avec l’habitude ça va presque tout seul, mais il y avait ça qu’il fallait prendre en compte quand même. Et la séance de Snoop avec la piscine en terme de logistique, c’était moins souple parce qu’il y avait le manager, l’attaché de presse et deux trois autres personnes qui sont là... pour être là, mais ils vous regardent faire, ils sont derrière vous. Ce n’est pas tout à fait la même ambiance. Donc pour cette séance là, j’ai eu un seul spot, c’était la piscine. Alors que l’autre séance, c’était pas entre potes, faut pas exagérer, mais c’était plus convivial, j’ai eu trois quatre décors différents, ce qui s’est avéré inenvisageable par la suite.

Mo The Dude : C’est ce qui rend cette petite série de photos assez fascinante.

Patrick Canigher : Exactement.

Mo The Dude : En tant que lecteur du magazine à l’époque, je n’avais pas connaissance de toutes ces contraintes que vous aviez, mais du coup quand on feuillette le mag, on se dit ah il est là, et après il est là...

Patrick Canigher : Ouais, il a passé une semaine avec lui !

Mo The Dude : Oui, c’est l’impression que ça donne.

Patrick Canigher : Alors qu’on a passé une heure et demie.

Mo The Dude : Et la deuxième photo, celle avec la piscine, qu’est très chouette aussi, elle a été faite combien de temps après le premier shooting ?

Patrick Canigher : Je ne me souviens plus... ça date de quand le RER là ?

Mo The Dude : 1999.

Patrick Canigher : Alors, c’était très peu de temps après, parce qu’on n’a pas passé les années 2000 avec RER. Le numérique commençait à monter, le streaming etc. La presse musicale a commencé à chuter. Moins de lectorat. Moins de pubs hors captif voir zéro. Et la pub captive baissait aussi. Et de mémoire on a tout arrêté en même temps : RAGE et un mag aussi qu’on avait pour les ingés son. C’était la même régie pub pour tous les mags. On a tout arrêté avant de planter les gens et de ne plus pouvoir les payer. On a dû avoir une dette avec un fournisseur de papier et un imprimeur sur un mag. Mais tous les gens ont été payés. Malgré tout, beaucoup de gens n’étaient pas contents car ils perdaient déjà une ambiance qui était très sympa, on se marrait vraiment bien à cette époque là. Et puis un travail régulier et un environnement professionnel très satisfaisant. Parce que, on vous envoie, vous, aujourd’hui à Los Angeles pour faire Snoop, vous ne payez rien, ni avion, ni voiture, ni repas, ni hôtel et vous avez une heure avec Snoop. Vous dites oui ou non ?

Mo The Dude : Oui, évidemment.

Patrick Canigher : Voilà. Et comme vous ne faites pas l’aller retour parce que c’est trop fatigant, vous restez quelques jours sur place. Surtout qu’à l’époque, les billets étaient moins chers si on passait deux nuits sur place. Donc le reste du temps c’est du tourisme, ou on en profite pour rencontrer d’autres gens. Même des groupes de moindre importance dans le rap par exemple, mais qui par la suite allaient se développer. Mais c’était plus facile d’accès, en direct que de passer par tout le système maisons de disques, managers etc. Il y a un groupe qu’on a fait souvent, trois mecs super accessibles, après ils ont fait leur petit bonhomme de chemin, des mecs super gentils. On arrivait à l’hôtel, on les appelait, “on peut se voir demain ?” - “Pas de problème”, même s’ils n’avaient pas d’actu, on faisait une news, “tiens on a rencontré untel”. Une petite photo, un petit échange un peu général sur, je sais pas, la politique et voilà ça nous faisait une news. Ça remplissait les pages du mag avec des choses hors agence et hors maison de disques. Et pour le lectorat, ça donnait l’impression qu’on connaissait les mecs (il s’avère que le groupe évoqué ici, ce sont les Dilated People, ndlr).
A New York aussi on a rencontré plein de monde, avec Olivier N’Guessan, on allait dans des boutiques, rencontrer tel DJ, qui par la suite a sorti des mixtapes importantes et on l’a shooté comme ça, à Brooklyn. Erykah Badu, pareil, c’était à Brooklyn. Magnifique vraiment. A Brooklyn, dans une rue toute pourrie.

Mo The Dude : Et ça a donné la photo qui est dans votre portfolio ?

Patrick Canigher : Exactement.

Mo The Dude : C’est vrai qu’elle est chouette.

Patrick Canigher : Suffit de pas grand chose. Elle était super belle, et voilà. Et surtout, on l’a rencontrée hors maison de disques.

Mo The Dude : Et elle était déjà connue.

Patrick Canigher : Ouais, mais en passant par untel, ou même les agents qui s’occupaient d’untel, on nous aidait à organiser des choses.

Mo The Dude : Il y avait peut-être un attrait supplémentaire du fait que ce soit de la presse française ?

Patrick Canigher : Oui, pour eux, la France c’était le pays du vin, de la bouffe, de la mode, c’est l’ouverture sur l’Europe. Donc c’était sûrement un peu exotique, un français qui arrive de Paris pour poser trois questions sur l’album. Et puis d’un point de vue purement business c’est une ouverture sur le marché. Savoir que quelques photos et pages d’interview peuvent aider à vendre tant de dizaines de milliers d’albums en plus, ce n’est pas négligeable. Je ne dis pas que Snoop m’a reconnu la deuxième fois (séance de la “piscine”, ndlr), mais quand même, j’ai senti que... ouais... “I know you, we’ve met before”. Et puis on leur amenait les mags, ils voyaient qu’il y avait quatre pages, plus des photos, éventuellement une couv. Par contre, il n’y avait pas de copinage. Une fois que l’interview est finie, chacun repart de son côté. C’était boulot et c’est tout, à l’anglo saxonne.
Mais je me souviens de Cypress (Hill), une fois on devait faire un shooting entre le sound check et le concert, à L.A. Et le tour manager ne nous aimait pas beaucoup, il voulait tout contrôler. Il nous a fait attendre dans une allée près des poubelles. Alors sur le coup c’était relou, on ne pouvait pas profiter du sound check ni faire quoique ce soit, on attendait qu’on veuille bien nous laisser entrer. Mais une fois qu’on était avec les artistes, ils étaient super gentils. On pouvait même parler de leur lien avec leur ville, leur communauté, de politique etc. Et là personne ne pouvait leur dire d’arrêter de parler, ils faisaient ce qu’ils voulaient. Et ce qui était bien aussi, c’est que les journalistes connaissaient vraiment leur sujet. Cypress aussi, je me souviens une fois, avec Karim Madani, dans un quartier mexicain, pendant un tournage de clip, c’était quand même du gros clip et les mecs ont pris une heure avec nous pour l’interview, enfin peut-être pas une heure mais du vrai temps. Parce qu’ils nous connaissaient un peu, ils avaient vu des articles ou des photos, et ils nous voyaient souvent en fait. A une période, j’ai hésité à m’installer là bas, car j’y passais vraiment beaucoup de temps. On les suivait, on s’intéressait à eux, c’était un échange, ça nous servait à nous et ça leur servait à eux. Les journalistes avaient un carnet d’adresses impressionnant, moi je partais avec des gens qui connaissaient vraiment le milieu, pas juste des mecs qui vont à L.A. parce qu’il y fait toujours beau.
Je vais devoir bientôt y aller. Je ne sais pas si vous avez une dernière question ?

Mo The Dude : Une toute bête, est-ce que vous avez un souvenir particulier d’un shooting un peu plus marquant que les autres, une rencontre ? Ou une photo dont vous seriez particulièrement fier ?

Patrick Canigher : Alors, je n’ai jamais aimé complètement ce que je faisais, parce que je me dis putain t’as merdé sur la perspective, sur le cadrage, ou sur la lumière. Snoop avec le billard, je me dis que j’ai merdé sur la lumière par exemple.

Mo The Dude : C’est sévère.

Patrick Canigher : Donc je n’ai pas de meilleure photo... ce n’est pas que je ne l’aime pas mais toujours je trouve que j’ai merdé sur un truc. Après une rencontre particulière... c’était tellement pro... comme j’ai dit, on ne gardait pas le contact.

Mo The Dude : Peut-être le shooting le plus agréable ?

Patrick Canigher : Mais tous. Parce que moi j’aime bien être... on the edge. Etre au bord du truc. Donc toutes. Aucunes et toutes en même temps. Y en a une, peut-être, dans le rock. Avec Dweezil Zappa, fils de Franck Zappa. Qui a hérité de tout de son père, y compris de son talent à la guitare. Et il nous avait emmené au Joe’s Garage qui était le studio de son père. Et donc plein de guitares partout dont celle d’Hendrix qui avait brûlé pendant Woodstock, il avait dû la donner ou... enfin elle était là, c’était assez impressionnant.
Et toujours en rock, un truc assez drôle. Andy Summers, le guitariste de Police. A L.A., et il ne faisait plus Police, il faisait des albums solos qui marchaient beaucoup moins que ceux de Sting. Rendez-vous chez lui à Santa Monica, en bord de mer. Une espèce de loft de trois étages, et un étage avec que des stars. Et à l’époque on faisait des “guitar lessons”, on demandait à un artiste de rejouer un morceau, on décomposait avec les accords. Et donc Andy Summers voulait que ce soit un morceau de lui perso, et pas un morceau de Police. Mais nous, on préférait que ce soit un morceau de Police. Je ne sais plus quel était le morceau, mais il commence à jouer un peu à contre-coeur. Et le journaliste qui parlait anglais un peu comme ça (il se pince le nez et fait une voix nasillarde), lui dit “non non tu t’es gourré, t’as fait un ré neuvième, c’est un ré septième, il lui prend la guitare des mains et il lui fait la note... et l’autre dit “ah ouais t’as raison”... des moments drôles comme ça.
Mais sinon... Ouais Snoop, la surprise d’un mec super agréable, très coopératif et beaucoup moins gangsta... Ice Cube pareil, il fait genre comme ça mais finalement, mec hyper gentil.

Mo The Dude : Parfait !

Patrick Canigher : Mais ça vous va ?

Mo The Dude : Oui, c’est parfait.

Mille mercis à Patrick Canigher pour sa disponibilité, sa confiance, et le partage de ses polaroïds "de travail".

les photos présentes dans cet article sont diffusées avec son aimable autorisation.

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