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Albums/Mixtapes

Insane Clown Posse Fearless Fred Fury

Le dixième joker

Date de sortie : 15 février 2019

Krapulax, le 11 mars 2019

Pour fêter leur retour, une longue chronique à l’ancienne, track par track, du dernier album des clowns de Detroit.

2019 et les clowns d’ICP sont toujours là (qui l’eut cru ???), et reviennent même en force avec leur nouvel album Fearless Fred Fury, sorti sur leur label Psychopathic Records depuis une bonne semaine, et dont je vais vous écrire une chronique piste par piste comme j’aime bien faire, et parce que l’album m’a énormément plu – après, je dois bien le dire en tant que fan depuis 1997, un certain nombre d’années jamais complètement satisfaisantes.

  Fearless Fred Fury : Spotify / Apple / Deezer

Petit rappel historique pour ceux qui ne connaissent pas : ICP est un groupe de rap alternatif de Detroit composé des deux clowns méchants Violent J "The Duke of the Wicked" et Shaggy 2 Dope "The Southwest Strangla," qui mélangent pêle-mêle comédie, sérieux, et horrorcore. D’abord influencés par Esham the Unholy et les Geto Boys, ICP s’invente toute une mythologie autour du Dark Carnival dont ils sont les messagers et dont ils relaient la philosophie à travers des albums qui correspondent chacun à une carte de joker, symbolisant un message particulier et un fil directeur autour duquel vont s’articuler les chansons. Les clowns sortent leur premier album en 1992 et arrivent contre vents et marées à se constituer la base de fans la plus fidèle et la plus exubérante de l’histoire de la musique : les juggalos avec leurs gueules maquillées (whoop whoop !), qui vont participer à propulser tout un tas d’artistes horrorcore et à faire se rencontrer des tonnes de fans à travers le monde – family ! On pourra se souvenir notamment dans leur carrière bien remplie de la fois où ils ont été signés par Disney pour leur album The Great Milenko avec les disques retirés des bacs le surlendemain et la polémique nationale qui a suivi (leur meilleur coup de pub), leurs collaborations avec des grands noms du rap comme Three 6 Mafia, Ol’ Dirty Bastard, Ice Cube ou encore Bone Thugs-N-Harmony, et plus récemment leur combat contre le FBI qui a classé les juggalos en tant que membres de gangs – et plein d’autres trucs dont je pourrais parler pendant des heures, mais bref, passons plutôt à ce nouvel album.

Fearless Fred Fury est donc le 10ème joker card du groupe (soit le 4ème de la deuxième série de 6), l’album est composé de 17 pistes (17 étant un chiffre clé dans la mythologie du Dark Carnival) pour une durée totale d’à peu près une heure de wicked clown shit, de colère, de moments de détente et de légèreté, et de beats plus ou moins agressifs et modernes, tout en gardant une dimension plus intemporelle grâce à des effets quasi-cinématographiques de mises en scène des concepts et des clowns, qui on peut le dire ont tous deux bien donné de leurs personnes – on sent bien l’intention ! Je dis ça car apparemment ce n’est même plus la peine de se faire chier de nos jours… Le message de l’album transpire dans la pochette qui nous dévoile une nouvelle face du Dark Carnival, Red Fred, qui sort des émanations puantes d’une cheminée d’usine de merde qui rappelle Detroit, la tête super malveillante, un pied de biche dans une main au cas où, un rat qui s’appelle Flip et qui représente l’album bonus, et un méga coup de poing prêt à venir t’écraser la gueule (le 665 représente le premier plateau de 6 albums qui s’est fini avec The Wraith, le deuxième plateau de 6 albums dont FFF ici est la quatrième, et le dernier plateau de 5 albums qu’ils finiront peut-être quand ils auront 72 ans – 665 parce que 666 c’est trop sheitan pour les clowns et parce que 6+6+5=17, voilà, pas grave si vous n’avez pas suivi), comme c’est expliqué dans l’intro :

Intro  : l’album s’ouvre sur des espèces de pêches electro laser un peu indus pas rassurantes et une grosse voix vient nous raconter qu’il faut savoir rester digne et fier dans la vie et ne pas se laisser faire, et surtout réagir et FITEBACK !!! quand ça s’impose, afin de tirer le meilleur du temps qui nous est donné, sans quoi les morts nous montrent du doigt et nous attendent pour nous présenter à Red Fred, qui viendra nous refoutre les pendules à l’heure d’un gros coup de poing dans la figure, proportionnel à nos égarements et nos désistements – donc faut pas trop déconner. Les clowns nous ont sorti de meilleures intros par le passé mais quand même ça s’annonce bien et au moins on ne part pas directement sur un vieux facepalm. En tant que juggalo, je suis hyped !

Red Fred  : la première chanson qui rattrape le concept au vol et qui n’est que le prolongement rap de l’intro part (avec un scratch !) sur un beat bien cool et Violent J qui raconte son truc d’une voix convaincue. On est clairement dans du ICP avec des petits sons et des effets, des breaks et des voix ici et là. Le refrain est simple, tant mieux, et c’est Shaggy qui enchaine sans rapper mais en gueulant avec sa voix classique de clown bourré sur un changement de beat super bien venu. Et tout d’un coup ça ne rate pas, Violent J arrive en gueula- euh pardon, en chantant comme s’il était constipé et là ahah musicalement c’est un peu chaud. Mais t’es prêt à ça quand t’es un juggalo, en fait tu l’attends, et là tu te dis putain ouais ben ouais et en fait c’est mortel, et tu réécoutes.

Fury !  : c’était le deuxième single de l’album et ça s’annonçait cool mais ça n’a vraiment pris sa véritable mesure qu’avec la sortie de la vidéo et de l’album, car c’est nettement un des moments les plus réussis du délire. Souvent ICP sort une chanson épique entre guillemets pour clôturer leurs albums et ça aurait pu être celle-là. Le beat de Fury ! est clairement orienté nouveau son moderne, mais avec une putain d’énergie et un piano qui rappelle vraiment des ambiances typiquement ICP, et forcément ça fait plaisir. Les clowns se partagent la chanson en deux avec chacun les mêmes flows, bien énervés, et le refrain et la vidéo donnent bien envie de casser des trucs et de se lâcher. On y voit des gars foutre le feu et tout – en fait tout ça a un petit côté gilets jaunes, les gars qui en ont plus qu’assez qu’on leur fasse à l’envers et qui pètent les plombs, FITEBACK !!! quoi. C’est cool. En tout cas c’est du grand ICP, bravo.

West Vernor Ave  : quasiment une chanson solo de Shaggy 2 Dope en fait, et qui se promène dessus façon old school sur un beat fun et rapide, avec un beau sample de Scarface des Geto Boys pour remplacer une de ses lignes – au fait, autant le dire tout de suite, l’album sonne de dingue et la post-production, les arrangements et tout ça c’est un travail fou sur tout l’album, grande maitrise du montage et d’ingénierie du son, c’est des tas de petites choses qui habillent tout l’ensemble, laisse tomber. Et donc c’est une chanson marrante avec Shaggy qui fait de la merde avec des armes à feu en voiture sur cette avenue bien connue de Detroit, à un moment il cherche une bande de poules mouillées qui, "comme des trous de chatte, se montrent rarement en public." Sur la fin on retrouve Shaggy qui refait une voix qui sonne bien wicked circus qu’il faisait déjà y’a longtemps, c’est très bien. C’est une chanson que je peux écouter douze fois de suite.

Wtf !  : alors ça c’était le premier single et on ne peut pas dire que ça a fait l’unanimité mais perso je la kiffe depuis le début rien qu’à cause du refrain – écoute ça très fort sur une bonne stéréo ou dans la voiture, ça envoie à mort. C’est vrai que le beat electro est super bordélique et que les raps ne ressemblent pas à grand-chose (la chanson parle de choses graves qui se passent genre c’est normal mais en fait Wtf !!??), mais c’est ni trap ni dubstep ni néo-metal, c’est juste original et mon juggalo valide à fond. Ça vole pas haut dans la dénonciation ni dans l’argumentation mais c’est après tout c’est juste deux clowns et cette façon de faire me parle.

Satellite  : là on calme le jeu et on revient sur un beat vachement plus rap (genre rap hip-hop t’sais) et cool à fond avec des scratches et une guitare sèche sympa, et des sons à la con marrants un epu partout de nouveau, changements de caisses et tout. Violent J le promène en clown tranquille tandis que Shaggy brille en tant que gars qui ne fait pas dans la dentelle, mais il est à fond sur le beat et ça fait plaisir. J’étais pas chaud sur le refrain au début mais en fait c’est fresh dans la voiture. La chanson parle de prendre de la distance et de voir les choses d’en haut comme un satellite – relativiser et pas pleurer en gros. "What’s worse ? A Hearse." Dope.

Seriously Hilarious  : sample de Chuck D pour lancer la track, beat bien gangsta lent, le vieux sample "ICP, we roam alone, ever since inner city ghetto zone," on est dans les ambiances ICP bien sombres genre on déconne pas on est des vrais rappeurs et pas une blague. Ça part avec Violent J qui prend son flow sérieux et tu peux sentir le gars bien remonté devant son micro et dans les lyrics – sans citer de noms, ça balance dans tous les sens et ça parle de sucer des juggalo couilles et ensuite de faire sa pute (poke Twiztid, etc) et pendant ce temps ICP ça tremble pas. Shaggy n’apparait que sur le refrain, qui fait le taf mais qui reste le point faible. Mais c’est chouette d’entendre ce Violent J là quand t’es un juggalo, et le beat dégomme.

Game Over  : ok ça commence avec des sons de vieux jeux vidéo mélangés, le montage est cool mais bon voilà quoi… et en fait ça part sur un beat sympa et Violent J qui lui règle bien son compte avec son flow de clown pas si évident et ses conneries. Mais c’est une chanson qui parle de ne pas passer son temps devant les jeux vidéo et tout ça, et c’est pas mon cas donc je m’en fous. Chanson foireuse – par contre on a l’intro de la chanson suivante à la fin, genre skit enregistré dehors à l’ancienne, et c’est un gars qui raconte à un autre gars qu’avant il trainait dans ce cimetière avec sa meuf et qu’un soir ils sont rentrés dans un truc où y’a plusieurs tombes dedans (un mausolée ?) et ils ont trouvé une bouteille écrit "Red Rum" et la meuf était pas chaude pour niquer alors ils en ont bu et…

Night of Red Rum  : et en fait Violent J part en couilles et se met à raconter comment il a tué sa meuf et ensuite une pute, et puis un flic, une joggeuse ou encore un chien. Il lâche un super flow wicked clown dérangé dans la tête sur un beat qui tape bien et il tient son personnage de sa bonne voix, entrecoupé de Shaggy qui maintient la hype no problemo comme d’hab. C’est cool car Shaggy a encore une super bonne voix pour ça, et même si celle de Violent J a beaucoup changé pour le pire au moins il ne cherche pas à en faire trop dans cet album, et peut même toujours sortir des raps wicked super maitrisés comme dans cette chanson, magnifiquement écrite par ailleurs. Elle s’inscrit dans la série des chansons "Night of the Axe," "Night of the 44," "Night of the Chainsaw," etc. Encore une fois le refrain je suis pas super fan mais ça passe – ça fait longtemps qu’en tant que juggalos on fait comme si on n’entendait pas des fois. Mais là ça va, c’est de l’horrorcore gros budget.

Low  : je l’aimais pas aux premières écoutes et je la réécoute là et nan franchement je passe. Violent J chante son délire de marginal mal dans sa tête, avec Shaggy là au milieu sur un beat qui n’a rien à voir et qui vient jouer la mauvaise conscience et puis nan ça marche pas. Le travail sur le beat est cool de nouveau mais ça fait pas le pli, et on n’a pas idée de reprendre un sample sur lequel Necro a éjaculé et pris dans le cul il y a des années.

Triplex  : et chanson un peu complexe dans sa composition et son écriture car en trois couplets elle fait à chaque fois parler les trois personnalités qui sont dans l’esprit schizophrène et meurtrier du gros clown Violent J, interrogé par Shaggy 2 Dope qui joue le rôle du psychiatre. Violent J y joue Eddy un tueur de femmes, Hank un obèse glouton cannibale, et Dan un malade mental service complet. Violent J pose des questions à Shaggy qui esquive le sujet et qui finit par exploser et leur répondre à tous, "Eddy, après ça je rentre chez moi vers ma femme. Hank, t’as faim ? Essaye mes couilles ! Dan, je sais pas quoi faire pour toi…" La chanson est géniale quand tu comprends tout mais sinon ça sonne trop décousu. En tout cas super interprétation et intention de nouveau – en fait c’est un peu comme si Les Inconnus sortaient de l’asile des fous, avec un putain de beat.

Nobody’s Fault  : un peu le même délire que Low juste avant, avec le gars tout seul pour qui ça marche pas, et qui ne s’aide pas, mais cette fois Shaggy joue la petite voix qui te dit que c’est pas grave et que t’es quand même vachement cool et t’es juste pas fait pour ça. Un juggalo qui ne s’en sort pas et qui n’en sort pas, voilà. C’est à la fois une chanson pleine de cool et de choses de la vie, et un bel essai dans la façon qu’a ICP de s’approprier le nouveau son et en faire malgré tout une chanson qui ne parlera qu’aux fans d’ICP (ou pas ?). Violent J est posé à fond avec l’autotune, que j’aurais préféré ne pas entendre chez eux mais là ça marche. Et en fait ils le virent à la fin et c’est génial car là ça marche encore mieux. Le beat est trop fresh avec la flûte derrière dans le refrain. J’achète.

Hot Head  : c’est une chanson solo de Violent J dans laquelle il raconte qu’il sent sa tête brûler entre ses oreilles, le gars a des hallucinations brûlantes dans sa tête et c’est bel exercice de style autour du concept mais le flow maladif et le côté répétitif ne tient pas la longueur. Il a réussi à faire d’une bonne chanson un flow chiant et l’inverse – mais c’est quand même cool car une fois de plus Violent J n’en fait pas trop et ça ne me fait pas faire la grimace non plus, c’est juste long et chiant et je sais qu’il y avait des meilleures chansons sur le cd bonus Flip the Rat. Gâchis de track.

Shimmer  : ils ne l’avaient pas faite jusque maintenant et c’était très bien comme ça, mais voilà qu’ils n’ont pas pu s’empêcher de sortir leur chanson à propos de dieu. Quand je dis "ils" en fait c’est "il," Violent J – et le plus dommage c’est que ce soit mélangé à la chanson façon conte d’horreur qui s’annonçait cool avec sa gamine fantôme dans le placard et sa belle poésie wicked, et puis finalement Violent J qui décide de la combattre avec la bible et de se féliciter de ne pas s’être laissé faire (FITEBACK !!!). En revanche le rap final est chouette et rappelait du très bon ICP – de toute façon c’est trop cool dans le rap quand ils coupent tout et ne laissent que le beat un moment – mais c’est une réalisation décevante pour une si bonne musique. Dope.

Freedom  : beat super chill et spatial et moderne mais pas trop, en tout cas avec plein d’envie de partager dans la voix de Violent J, qui donne envie de se laisser emporter dans tout ce que la vie peut te permettre. Le concept un peu niais rappelle leur chanson "Miracles" mais on est dans du classique ICP positif et ça met toujours du baume au cœur, surtout avec ce flow mélodique super frais qui se laisse agréablement fredonner sans même suivre les lyrics. Les clowns nous rappellent à notre libre arbitre et notre liberté d’être une chose ou son contraire sans avoir à faire chier le monde avec tes convictions, ou pas, leur discours typique de juggalo tolérance et intégrité, et c’est rempli de lignes marrantes et absurdes, "I’m free to learn karate, or how to cook up chicken sauté, whip up a latte, fuck hoes and be not gay." Whoop whoop et je valide.

Beware !  : par contre là c’est l’arnaque totale… on se demandait où était l’habituelle chanson porno d’amour de l’album – eh bien la voilà. Sauf qu’elle est annoncée ici avec un avertissement qui dit d’écouter à vos propres risques car c’est censé être la chanson la plus dérangeante d’ICP à cause du sadisme graphique des lyrics… Donc un beau gâchis de track ici, alors qu’ils avaient enregistré une douzaine de chansons pour le cd bonus. Le problème avec un avertissement à la con comme ça, c’est que tu t’attends à un truc de dingue, et normalement si tu écoutes ICP tu es déjà prêt au pire, alors voyons ça…

I Like it Rough  : ça part sur un beat horrorcore sombre sympa mais pas génial non plus et en fait c’est trois couplets de Violent J qui, force m’est d’avouer, raconte quand même des conneries sexuelles bien tordues – et c’est plutôt cool que les gars soient encore prêts à envoyer des affreusetés pareilles, car il y en avait plus que marre de leurs chansons sérieuses ces dernières années. Là au moins on a du clown méchant, "I’d like to tranquilize you, surprise, realize I’m inside you, I’d like to sodomize you so hard I lobotomize you," ou encore "I’d like to cook and eat you, shit you out then eat you again." Tout le deuxième couplet est un délire autour de s’étouffer l’un l’autre avec la petite culotte de la meuf qui subit la violence du gros clown, mais lui aussi veut bien jouer le jeu, "You can choke me with your panties till I pass out by the toilet, you can piss on my face, just do it, don’t spoil it," faut pas gâcher. Et il y a un putain de travail de rimes en –ing dans le 3ème couplet et c’est quand même bien la classe, Violent J déconne pas quand il s’essaye à ça. On peut parler ici d’une belle leçon d’horrorcore assurément, mais franchement ça ne valait ni un avertissement, ni la dernière place de l’album.

Note finale : 665/666

  Fearless Fred Fury : Spotify / Apple / Deezer


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